Une puissance totale de 610 ch et un couple de 750 Nm pour cette anglaise décoiffante !
L’excellence même... Avec sa taille exubérante, la Bentley Continental Flying Spur a tout d’un salon roulant. Mais derrière cette façade, l’"éperon volant" cache un tempérament sportif étonnant.
Nous voilà à bord de la Bentley Continental Flying Spur. Cette berline de 5,31 m de long revendique une vitesse de pointe de... 312 km/h. Alangui sur la banquette, les doigts de pied en éventail sur la moquette en laine touffue, on aurait plutôt envie d'y déguster un bon thé Earl Grey. Certes, la Flying Spur coûte le prix d'un appartement. Mais, à l'exception d'une cheminée, elle offre aussi l'agrément d'un living, ce qui dédramatise la douloureuse. La Bentley fait également preuve de polyvalence : très agréable pour les passagers arrière, elle est tout aussi appréciée par le conducteur, qui voit le paysage défiler au format 16/9. Une pression sur le bouton Start dans la console centrale réveille le douze-cylindres. En avant toutes. Toutes ? C'est vivement déconseillé, car les 560 ch du W12 biturbo s'expriment avec une telle vigueur qu'une accélération violente pourrait dérégler la rotation terrestre.
Sur autoroute, calé à 130 km/h dans un silence total, il n’y a rien de mieux pour passer le temps que de tester les innombrables réglages des fauteuils qui, à la demande, chauffent, ventilent ou malaxent toutes les parties du corps qui s'ankylosent à cette allure pépère. Une fois sur les départementales, l'anglaise donne enfin la mesure de ses talents. Sans retenue aristocratique, elle jette ses 2.475 kg dans les virages, pour en ressortir avec un brio déconcertant. Les six rapports de la transmission automatique s'emploient à répartir 650 Nm aux quatre roues. Douce et néanmoins réactive, la boîte joue bien le jeu. C'est seulement lorsqu'il faut rétrograder deux rapports à l'accélération qu'elle s'emmêle un peu les pignons.
En proposant quatre réglages de ses suspensions à air pilotées, la Flying Spur séduit les gentlemen drivers ambitieux. Hélas, même le mode le plus sportif n'influe pas sur la direction, qui manque de prise directe avec la route. Reste que pour une limousine, elle fait très fort en matière de polyvalence. Un dernier reproche ? Il manque un lustre en cristal pour peaufiner la déco.
Dans les années 20, Walter Owen Bentley conduisait ses voitures sur plus de 1.000 km, jugeant "éclairant" de conduire une voiture en état de fatigue ! Sans ces essayeurs du siècle passé, nous nous déplacerions encore en calèche. En tout cas, nous ne roulerions pas en Bentley. Enfin... nous... Disons : ceux qui peuvent dépenser plus de 250.000 € entre poire et fromage. Il faut reconnaître que cette Arnage sort de l’ordinaire, avec son côté fait main. Ses marqueteries taillées dans la même veine de bois, pour que les dessins se répondent d’une portière à l’autre. Ses buses d’aération en acier trempé, travaillées à l’extrême. Son cuir pleine peau, tendu des sièges au plafond, jusque dans les recoins où le bois précieux n’a pu se lover. Bref, on s’habitue vite à cette merveilleuse absence de plastique.
De la même façon, la lady ne reçoit pas un moteur, mais une cathédrale. Un V8 biturbo de 6,75 l et 456 ch qui vous "drive" en charentaises à 50 km/h en ville ou vous colle au dossier en cas de semelle de plomb. Cet édifice Bentley offre 835 nm à 3.250 tr/mn pour un régime limité à 4.600 tr/mn. Malgré sa boîte lente, administrant quelques à-coups, l’Arnage fait un carnage à la reprise et assassine le 1.000 m départ arrêté en un rien de temps. Aussi envoûtante soit-elle, cette Bentley n’est pourtant pas parfaite. Après avoir savouré le luxe à l’ancienne, nous regrettons son manque de modernité. L’Arnage R sacrifie peu à l’électronique. Il ne faut donc pas compter sur elle pour déclencher les essuie-glaces ou rabattre les rétroviseurs automatiquement.
Bref, l’Arnage est d’un autre âge. Comme le prouve son châssis qui, s'il a le mérite de disposer d'un ESP efficace et de bien encaisser les 406 ch et 2.585 kg, n'est pas des plus à l’aise à un rythme soutenu. D’accord, elle n’est pas taillée pour cela, mais on pouvait s’attendre à une plus belle tenue, ainsi qu’à un meilleur confort. Ses suspensions ont beau être pilotées, elles manquent de moelleux, notamment à l’arrière. Rien de rédhibitoire, le salon intérieur rattrapant les faux pas des amortisseurs. Autant de défauts qui nous manqueront le jour où VW, propriétaire de Bentley, devra renouveler l’Arnage. Car cette limousine est bien le dernier cru Bentley qui, bien que développé sous l’ère BMW, a su rester parfaitement "British".
Cela va sans dire, mais ça ne coûte rien de le redire : les motivations d'acquisition d'une Bentley Azure à plus de 300.000 € ne sont absolument pas les mêmes que celle d'une Renault Clio ou même d’une grosse BMW. Les clients des Arnage et Azure vivent dans un autre monde que nous. Ils sont 30 % à posséder un yacht, détiennent une petite dizaine d'automobiles d'exception, et une frange d'entre eux voyage dans leur jet privé. Comment dès lors se mettre à la place de ces clients très spéciaux ? Heureusement, Bentley a tout prévu pour m’aider à me glisser dans la peau du personnage : avion pour rejoindre Milan où attend "ma" Bentley Azure avec chauffeur pour m’emmener entre les bords du lac de Côme et Saint-Moritz en Suisse.
Tant qu'à disposer d’un chauffeur, autant profiter des places arrière. Derrière Luigi et son mètre quatre-vingt, je ne manque pas de place pour les jambes. Pour un cabriolet de 5,41 m, voilà qui est heureux. Je détaille alors ce que l’Angleterre sait faire de mieux en matière d’artisanat automobile. Pour tapisser cet intérieur princier, onze vaches ont laissé leur peau. Les bois précieux, marquetés ou non, se comptent en mètres carrés. Plusieurs dizaines d'agneaux ont été tondus pour la laine des moquettes. Sans oublier quelques kilos de chrome et inox poli. En fait, la famille Arnage et Azure, c’est un peu la haute couture de Bentley, alors que les Continental GT, Flying Spur et GTC , plus "accessibles" et utilisables au quotidien, en sont le prêt-à-porter.
Le lendemain, direction Saint-Moritz. Le fameux V8 6.75 de la marque, aujourd’hui flanqué de deux turbos, avoue 450 ch et 875 Nm de couple ! De quoi dynamiser les 2.795 kg de ce cabriolet. Mais sur cette voie étroite et sinueuse, l’Azure n’est pas à son aise. Direction molle, prise de roulis, et dandinements ne m'incitent pas à hausser le rythme. Heureusement, quelques kilomètres plus loin, une route à sa mesure se présente. Et dans un grondement d’Airbus, le V8 propulse l’anglaise avec une vigueur insoupçonnable. La suspension pilotée à deux modes contient les mouvements de caisse sans chahuter les occupants. Seuls les freins avouent leur souffrance en descente avec une odeur de plaquettes surchauffées. Alors oui, je suis bien à son volant malgré ces quelques défauts. Mais promis, demain, dès que je descends de l’avion, j’enfile à nouveau mon costume d’essayeur inflexible. Vous ne m’en voulez pas trop ?
Que les propriétaires de la somptueuse Continental GT soient riches et revendiquent le bel art de vivre, on pouvait s'en douter ! Ce que l'on imaginait peut-être moins, c'est qu'ils aiment aussi le sport, au point de désirer une GT plus musclée, un peu dans l'esprit des versions AMG de Mercedes. Sous son capot, la Speed reprend bien sûr le W12 6.0 biturbo de la Continental GT. Mais il est profondément remanié avec, entre autres, allègement et réduction des frictions des pièces mobiles, et une nouvelle cartographie moteur… Le résultat est bluffant, avec une puissance de 610 ch, 750 Nm de couple et une vitesse de pointe de 326 km/h.
De telles valeurs imposent le respect. Car avec une cavalerie pareille sous le pied droit, chaque accélération (0 à 100 km/h en 4,5 s) et chaque relance sont source de jubilation. Sans compter que sur la moindre petite droite, si petite soit-elle, vous avez vite fait de vous retrouvez à des vitesses totalement déraisonnables, sans vraiment vous en rendre compte. Et dire que cette Bentley Speed avoue plus de 2,3 tonnes sur la balance… En bon coupé Grand Tourisme, la Speed vous catapulte, mais avec délicatesse, dans un confort sonore princier. On note toutefois quelques bruits aérodynamiques, passés les 130 km/h, mais surtout de virils borborygmes du W12, qui vous donneront assurément le grand frisson.
La Speed met d'autant plus en confiance qu'elle fait preuve d’un comportement routier très rigoureux et d'une motricité brillante, grâce à sa transmission aux quatre roues, arborant des jantes de 20 pouces. Et puis, pour faire face à la hausse de puissance, la suspension pneumatique a été raffermie et l’assistance de direction recalibré. Au-delà des qualités dynamiques, le charme de cette Bentley réside aussi, et même surtout, dans cette sensation d'exclusivité ressenti lorsqu’on s'installe à son bord. Il y règne une atmosphère de luxe et de bon goût, un tel soin du détail, une telle originalité et une si forte personnalité dans l'habitacle de cette Bentley qu’on en reste tout simplement muet. Juste sublime…
La grande bleue... Après l’Azure, pourquoi diable la marque anglaise, enrichit-elle son catalogue de cette nouvelle Continental GTC ? Si elle mesure 61 cm de moins, les différences entre ces deux Bentley concernent surtout leur philosophie. Outre son V8 de 6.75 l suralimenté par deux turbos, l’Azure est une vieille dame qui s’habille classiquement, plus lourde (de 200 kg) et moins puissante (de 110 ch) que la Continental GTC. En ce beau matin ensoleillé, je prend possession de cette version d’un bleu nautique étincelant à la sellerie beurre frais. Pas de claquement de porte vulgaire : il suffit de tirer celle-ci lentement, et le verrouillage se fait en douceur. Le silence est un mot récurrent dans l’univers Bentley.
J’appuie sur le bouton "Start" pour que le douze-cylindres de 560 ch se mette à murmurer. Je fais glisser l’élégant vaisseau sur les routes de la Napa Valley, au nord de San Francisco, une région viticole dont les paysages ressemblent à ceux du sud de la France. A l’écrasement de l’accélérateur, la poussée est phénoménale. Disponible très tôt (1.650 tr/mn), le couple de 650 Nm gomme totalement le poids de 2.500 kg, transformant l’auto en missile. Le grommellement grave se mue en cri rageur et la boîte auto passe consciencieusement les six rapports. Le 0 à 100 km/h est expédié en 5,1 s, soit le chrono d’une Porsche Carrera. Il faut savoir qu’en annonçant 312 km/h en pointe, cette Bentley brigue le titre de cabriolet quatre places le plus rapide du monde.
Grâce à sa direction précise, la voiture s’inscrit parfaitement dans les courbes serrées. L’équilibre se révèle bluffant, même sur les parcours sinueux. Les effets conjugués de la suspension pneumatique (garde au sol ajustable) et des quatre roues motrices lui permettent de virer à plat et de garder une trajectoire rigoureuse. Le freinage est plus qu’à la hauteur, s’offrant des disques de 405 mm. En rendant les clés, j’interroge les concepteurs sur le choix d’une capote souple plutôt que d’un toit rigide. "Cela aurait pris trop de place dans le coffre et il est inenvisageable que nos voitures ne puissent transporter un club de golf", m'est-il répondu. Encore une préoccupation qui m'était étrangère.